Du point de vue sonore, il est assez facile de reconnaître une pédale de fuzz. Hyper saturé, granuleuse, chargée en harmoniques, avec une longueur de note allant à l’infini quand les réglages sont poussés à fond. Pour ce qui est de faire la différence entre une overdrive ou une distorsion, la nuance est plus subtile : une pédale d’overdrive poussée à fond peut s’apparenter à une pédale de disto avec un faible gain. Certains les départagent grâce à des niveaux de chaleur ou de dureté du son (overdrive plus chaud et moelleux vs distorsion plus froide et dure), mais il s’agit pour la plupart du temps de ressentis, et donc il est difficile de donner une définition universelle et objective.
Alors quelles sont les réelles différences ? Sur quels aspects chaque type d’effet est unique ?
Nous allons dans un premier temps analyser les structures de plusieurs circuits qui reprennent les principales technologies de conception des OD, distorsions et fuzz. Et dans un second temps, nous effectuerons une étude des signaux, pour comprendre comment ces effets à la base du rig de tout guitariste influencent le son !
Etant donné que cet article va aborder des sujets assez techniques, un petit lexique des termes et notions employés fera du bien à tout le monde :
– Clipping/écrêtage : en parlant d’un signal sonore, c’est le phénomène d’aplanissement des sommets du signal.
– AOP (amplificateur opérationnel) : Comme son nom l’indique, c’est un composant électronique qui amplifie le signal selon les niveaux de tension de ses entrées.
– Harmonique : Lorsque l’on joue une note sur notre instrument préféré, le signal de cette note est composé de sa fondamentale (la note que vous jouez), et d’autres fréquences. Ce sont les harmoniques, elles sont très particulières car leur fréquence est un multiple de la note jouée. C’est la présence de ces harmoniques et le rapport de leur amplitudes qui donne le timbre unique d’un instrument.
-Filtres passe-haut/passe-bas : Il est possible grâce à un type de montage de choisir d’amplifier, de réduire, ou même les deux, l’influence de certaines fréquences présentent dans le signal. La fonction principale du passe-haut est d’atténuer les basses fréquences et réciproquement.
– Fréquence de coupure/cassure : Cette notion se réfère aux filtres. C’est la fréquence à partir de laquelle le filtre commence à atténuer.
– Composante continue/DC : Par définition elle s’oppose au signal alternatif, qui est celui produit par la guitare. Votre pile 9V est une composante continue pure de 9V. A l’opposée du secteur 220V à 50Hz qui est une fréquence pure de 50Hz donc alternative.
– Transformée de Fourier : on l’utilise en étude de signaux afin de décomposer un signal présentant plusieurs fréquences. Elle permet de mettre en évidence les fréquences qui le compose et leur amplitude.
approche électronique
Peu importe s’il s’agit d’une overdrive, d’une disto, ou d’une fuzz, les éléments de définition du grain sont toujours plus ou moins les mêmes :
Clipping, étage de gain, EQ.
Ce sont leurs réglages et leurs superpositions judicieusement étudiés qui vont donner la sonorité finale de la pédale.
structure des overdrives et distorsions
Voilà notre premier schéma, il représente l’étage de gain d’une pédale d’overdrive/distorsion généralisé au possible. Pour bien comprendre comment ces effets se différencient, nous allons utiliser quelques pédales bien connues comme exemples d’application. Si vous voulez avoir un aperçu des schémas des pédales en question, vous pouvez très facilement les trouver sur internet (tapez Tube Screamer schematic sur Google pour rigoler !) .
empilement des étages de gain
Le premier moyen d’augmenter la saturation apportée par une pédale, est d’empiler les étages de gain à la suite. Plus vous avez d’étages, plus la sortie sera amplifiée, saturée, et écrêtée. la TS808 de Ibanez possède un seul et unique étage de saturation. La Friedman BE-OD quant à elle en possède 4, on imagine bien le résultat.
On pourrait même rajouter un 5ème ou un 6ème étage histoire d’obtenir une Fuzztortion bien puissante, exemple la Bitoun Fuzz !
clipping
La structuration de la saturation passe ensuite par les diodes de clipping, la première manière de les monter est de les mettre dans la boucle de feedback de l’AOP (appelé soft clipping).
Les diodes ont en général une tension de seuil de 0.6V, ça dépend fortement de la référence et du type de matériau utilisé. Un signal de guitare tourne autour de 20mV, si l’AOP amplifie le signal par 100 pour la TS808 par exemple, le signal devrait être en sortie de 2V. Sauf que pour faire simple, les diodes vont trancher le signal à 0.6V. C’est ça l’écrêtage.
En tranchant le signal, on va aplatir tout ce qui était entre 0.6V et 2V. Quand en temporel un signal est plat sur ses crêtes, en fréquentiel il devient chargé en harmonique !
C’est là que la magie opère.
L’autre manière de monter les diodes est de les placer après le ou les étages d’amplification (hard clipping).
L’étage de gain et de clipping n’étant pas connectés dans ce cas, le signal est écrêté peu importe le fonctionnement de l’AOP. L’influence sur le son est très perceptible. C’est ce qui rajoute souvent une sensation de compression sur les distos.
Il est important de préciser que le nombre, la parité (symétrique et asymétrique) et le choix des diodes est également important (LED, silicium, germanium). Elles possèdent des tensions de seuils différentes qui vont influencer le système différemment et cela joue bien évidemment sur le son.
Attention à ne pas assimiler le soft clipping au son produit par une pédale d’overdrive, et le hard clipping au son d’une disto. Il n’y a pas de règle concernant le hard/soft clipping en ce qui concerne la dénomination du son. On peut trouver des pédales d’overdrive utilisant du hard clipping et inversement des distorsions avec du soft clipping.
l’amplificateur opérationnel et la bande de fréquences à amplifier
Enfin, la partie la plus intéressante ! Le gain est fixé par les caractéristiques électroniques de l’amplificateur, ou selon la datasheet pour les bilingues, et par le rapport des impédances Z1 et Z2 de la boucle de feedback. A ce niveau on peut déjà noter des différences entre les overdrive et les distorsions. Par exemple, la TS808 présente un gain maximal (sur une fréquence particulière) de 41dB, soit 112 fois l’amplitude du signal de base. Déjà pas mal me direz vous ? Ce n’est rien à côté des 61.5 dB (x1200) de la DS-1 de Boss et les 67dB de la Proco Rat (x2305 !!).
Mais ce n’est pas tout, comme mentionné au début, le gain n’est pas le même selon les fréquences de votre signal, et ce grâce aux capacités présentent sur le circuit.
Les couples résistances-capacités forment des filtres passe-haut et passe-bas. Le filtre R1-C1 est un filtre passe bas qui va légèrement adoucir les très hautes fréquences qui sont désagréables à l’oreille. Le filtre R2-C2 est un “passe haut” qui fixe la bande passante de l’étage d’amplification. Il booste les fréquences au dessus de sa fréquences de coupure et atténue progressivement tout ce qui est en dessous. Cela a comme avantage d’amplifier les fréquences intéressantes, et de nettoyer le signal des basses fréquences. C’est exactement ce qu’on attend d’un Tube Screamer, un bon coup de médium pour percer le mix!
Le couple R3-C3 forme un filtre passe haut, mais on fait en sorte que sa fréquence de coupure soit assez basse pour ne pas altérer le signal, et permet simplement d’enlever une composante continue dans le montage amplificateur.
En prenant des valeurs de composants arbitraires, le diagramme de bode (analyse de l’amplitude selon les fréquences ) du circuit nous donne ceci :
Un beau boost sur les médiums autour de 1kHz, et les hautes et basses fréquences progressivement atténuées. On peut cependant voir qu’en fixant arbitrairement les valeurs des composants, l’amplification n’est pas hyper sélective. La bande passante à -3dB est [300Hz ; 3kHz], ce qui reste tout de même acceptable pour la conception d’une overdrive.
En modifiant le montage afin d’avoir le pic de gain dans les médiums-hautes fréquences, et d’avoir un peu plus de présence dans les basses, on aurait une pédale de distorsion !
structure des fuzz
Les fuzz ont un montage un peu différent de celui des overdrives et distorsions, elles ont été inventées plus tôt, et utilisaient des transistors pour leur étage de gain. Les premiers AOP sont arrivés plus tard. Ce sont donc des structures plus simples qui ne jouent pas avec les mêmes impédances et qui ont leurs inconvénients notamment de bruit. Par contre niveau son et dynamique c’est incomparable !
Nous allons étudier les schémas des étages de gain de la Fuzz Face, et de la Big Muff PI pour comprendre leur fonctionnement :
Dans ce premier schéma on a deux transistors placés en émetteur commun (quand le gain est à burne, c’est là que ça sonne). Il s’agit d’un montage classique pour l’amplification de transistors bipolaires. Le gain dans un transistor est donné par le rapport des résistances sur son collecteur et son émetteur. Ici c’est le potentiomètre qui gère le rapport des résistances et modifie le gain du montage. Et donc comme vous pouvez le voir, lorsque le potard de fuzz R6 est à fond, le gain du transistor est infini ! Mais cela est bien évidemment physiquement impossible, le gain est limité par les caractéristiques techniques du transistor, qui est poussé dans ses retranchements.
Le schéma bloc de la Big Muff PI utilise des principes déjà vus dans la partie sur les OD/Disto. On retrouve les diodes de clipping dans la boucle de feedback, et la mise en cascade des étages de gain à la suite. Ici les gains des transistors sont limités, le son Fuzz est plutôt à attribuer à la mise en cascade des étages. A titre de comparaison, la Superfuzz utilise en tout 5 transistors pour obtenir sa saturation !
approche temporelle et fréquentielle
Lorsque le signal passe par la pédale il est, comme expliqué plus tôt, soumis à un tas de modifications (et encore nous ne parlons ici que des majeures). Afin de bien se rendre compte de l’influence sur le son de ces modifications, rien ne vaut une analyse spectrale et temporelle du signal.
Nous avons donc testé 4 pédales, une boost/overdrive, la Freq Up de Anasounds (c’est chez nous !) qui est composé d’un étage de gain Tube Screamer suivie d’un booster, 2 disto, les Boss DS-1 et MT-2, et une fuzz, la Feed Me de chez nous également, qui inspirée d’une Fuzz Face.
Chaque pédale est traversée par un signal sinusoïdal pur de fréquence 1kHz, et nous avons ensuite récupéré sur un logiciel de traitement du son grâce à une carte son.
étude temporelle
En premier le signal sinusoïdal pur, et ensuite le même signal passé par les différentes pédales, dont le potard de gain est à 100%. Dans l’ordre : la DS-1, la Freq up, la MT-2 et la Feed Me.
En appliquant un signal sinusoïdal pur à leur entrée (qui correspond à une seule fréquence), on observe que la forme du signal est modifiée. Plus le gain est important, plus le signal est anguleux, dans le cas des pédales de distorsions le signal en sortie est plus carré que celui de la Feed Me ! La frontière est fine ! Dans le cas du boost/overdrive, le signal est un peu écrasé, mais dans des proportions bien moins importantes. Le but ces effets étant d’amplifier, de saturer, et d’écrêter le signal, on comprend bien leur impact.
étude fréquentielle
Sur le diagramme de transformée de Fourier, les raies représentent les fréquences (qui sont je les rappelle des sinusoïdes pures) présentes dans le signal (abscisse) selon leur amplitude (ordonnée).
Transformée de fourier d’un sinusoïde pure
Sans surprise, on retrouve bien la sinusoïde de fréquence 1kHz.
Pour illustrer le comportement du signal face aux pédales d’effet, observons le spectre d’un signal carré de 1kHz, où l’analogie à un signal sinusoïdal très écrêté est pertinente.
Le signal carré est en fait composé d’une sinusoïde fondamentale de fréquence 1kHz, et d’harmoniques qui s’étendent à l’infini (non visible sur ce graphe 🙂 ), c’est la superposition de toutes ces harmoniques qui forme un carré.
Transformée de Fourier de la Freq Up
Transformée de Fourier de la DS-1
Transformée de Fourier de la MT-2
Transformée de Fourier de la Feed Me
Sur les graphes des pédales, on peut observer de nouvelles raies qui s’apparentent grandement à celles du signal carré. Il s’agit d’harmoniques de la fondamentale (2*1kHz, 3*1kHz… N*1kHz).
Les “nappes” présentent sur les graphes de la DS-1 et de la Feed Me correspondent à des fréquences parasites qui sont également amplifiées. Ce sont ces fréquences qui font le bruit dans le signal quand on pousse le gain à fond.
Ces harmoniques de hautes fréquences qui sont amplifiées par la pédale et qui créent l’écrêtage étaient déjà présentes dans le signal de base puisqu’il s’agit d’octaves de la même note, mais leur rapports a été modifié lors de l’amplification.
Il est plus difficile de tirer des conclusions de ce type de graphe car il ne s’agit que d’un sinus et que le signal produit par une guitare est bien plus complexe. Mais on se rend tout de même bien compte de l’influence des harmoniques dans la structure du son.
pour conclure !
Après cette longue et à la fois succincte analyse (et oui les gars faudrait partir en école d’ingénieur pour tout analyser), nous vous donnons enfin des outils pour analyser votre son et comprendre quel type d’effet vous est destiné entre overdrive, distorsion et fuzz.
Encore une fois, il y a plein d’autres méthodes mais cette approche électronique permet de comprendre les choix technologiques qui font les différences de ces effets. Elle est catégorique mais demande un bon niveau de connaissances pour maîtriser les schémas.
Les principes techniques restent les même depuis les premières innovations, mais il existe des variantes plus modernes intéressantes, ce sera peut être le sujet d’un prochain article !
L’analyse temporelle semble la plus parlante car dans le cas d’un sinus on voit tout de suite la transformation. Mais n’oublions pas que nos filtres et amplificateurs n’ont pas le même comportement selon les fréquences injectées et que la guitare génère des signaux bien plus complexe.
L’avantage de l’approche fréquentielle est qu’il est assez facile de reproduire ces tests à la maison à l’aide d’une carte son. Cela permet d’obtenir une bonne connaissance du son, et de tester l’influence de vos propres pédales !
J’espère que ce premier article vous aura plus et éclairé sur les minces frontières qui permettent de passer du monde de l’overdrive, à la distorsion, à la fuzz.
Si il y a des points que vous n’avez pas compris, laissez un commentaire et nous nous ferions un plaisir d’y répondre. de même si vous avez des suggestions, des compléments d’information ou des questions auxquelles nous pourrions répondre, allez-y !
9 replies to “OD/Disto/Fuzz : 3 pédales d’effets pas si différentes”
JP
Super clair. Je n’avais jamais vu le passage en fréquentiel pour les sons saturés, je ne pensais pas que cela ajoutait autant d’harmonique. On comprend mieux l’aspect massif des sons saturés après ça. par contre, pas très fan du tout majuscule !
Super article, merci !
Par contre le lien « découvrir quelques fuzz ici. » ne fonctionne pas et je cherche toujours le potard de gain R5 de la Fuzz face sur le schéma !
J’aurais apprécié un petit rappel de ce que sont les émetteurs et récepteurs des transistor puisque ces notions sont utilisées dans les explications.
Pour moi, à mon niveau noob qui ne fait que reproduire des schémas, cet article est une vraie bouffée d’oxygène ! Et ça m’a rappelé les filtre passe haut / passe bas que j’avais vu puis oublié il y a longtemps.
Vivement la suite !
Merci beaucoup Cyrille pour tes encouragements 🙂
On va continuer à faire plein d’articles !
Pour les transistors en fait tu as la base, le collecteur et l’émetteur dans les bipolaires. Ce sont les noms qu’on a attribué aux 3 pattes de la bestiole.
Sur la base tu viens injecter ton signal puis sur les 2 autres selon le montage tu viens récupérer ton signal.
Faudrait qu’on fasse un vrai article dessus pour expliquer. Je me souviens que c’était quand même quelques séances de cours en prépa pour faire le tour ^^
Alors j’ai hâte de voir un article sur les transistors ! ^^
Mais en attendant j’avoue que je trépigne de voir le fameux potard de gain R5 que j’ai pas trouvé sur le schéma !
Sinon as tu un logiciel à me conseiller pour faire des schémas théorique et mesurer virtuellement le résultat.
OD/Disto/Fuzz : 3 pédales d’effets pas si différentes
Du point de vue sonore, il est assez facile de reconnaître une pédale de fuzz. Hyper saturé, granuleuse, chargée en harmoniques, avec une longueur de note allant à l’infini quand les réglages sont poussés à fond. Pour ce qui est de faire la différence entre une overdrive ou une distorsion, la nuance est plus subtile : une pédale d’overdrive poussée à fond peut s’apparenter à une pédale de disto avec un faible gain. Certains les départagent grâce à des niveaux de chaleur ou de dureté du son (overdrive plus chaud et moelleux vs distorsion plus froide et dure), mais il s’agit pour la plupart du temps de ressentis, et donc il est difficile de donner une définition universelle et objective.
Alors quelles sont les réelles différences ? Sur quels aspects chaque type d’effet est unique ?
Nous allons dans un premier temps analyser les structures de plusieurs circuits qui reprennent les principales technologies de conception des OD, distorsions et fuzz. Et dans un second temps, nous effectuerons une étude des signaux, pour comprendre comment ces effets à la base du rig de tout guitariste influencent le son !
Etant donné que cet article va aborder des sujets assez techniques, un petit lexique des termes et notions employés fera du bien à tout le monde :
– Clipping/écrêtage : en parlant d’un signal sonore, c’est le phénomène d’aplanissement des sommets du signal.
– AOP (amplificateur opérationnel) : Comme son nom l’indique, c’est un composant électronique qui amplifie le signal selon les niveaux de tension de ses entrées.
– Harmonique : Lorsque l’on joue une note sur notre instrument préféré, le signal de cette note est composé de sa fondamentale (la note que vous jouez), et d’autres fréquences. Ce sont les harmoniques, elles sont très particulières car leur fréquence est un multiple de la note jouée. C’est la présence de ces harmoniques et le rapport de leur amplitudes qui donne le timbre unique d’un instrument.
-Filtres passe-haut/passe-bas : Il est possible grâce à un type de montage de choisir d’amplifier, de réduire, ou même les deux, l’influence de certaines fréquences présentent dans le signal. La fonction principale du passe-haut est d’atténuer les basses fréquences et réciproquement.
– Fréquence de coupure/cassure : Cette notion se réfère aux filtres. C’est la fréquence à partir de laquelle le filtre commence à atténuer.
– Composante continue/DC : Par définition elle s’oppose au signal alternatif, qui est celui produit par la guitare. Votre pile 9V est une composante continue pure de 9V. A l’opposée du secteur 220V à 50Hz qui est une fréquence pure de 50Hz donc alternative.
– Transformée de Fourier : on l’utilise en étude de signaux afin de décomposer un signal présentant plusieurs fréquences. Elle permet de mettre en évidence les fréquences qui le compose et leur amplitude.
approche électronique
Peu importe s’il s’agit d’une overdrive, d’une disto, ou d’une fuzz, les éléments de définition du grain sont toujours plus ou moins les mêmes :
Clipping, étage de gain, EQ.
Ce sont leurs réglages et leurs superpositions judicieusement étudiés qui vont donner la sonorité finale de la pédale.
structure des overdrives et distorsions
Voilà notre premier schéma, il représente l’étage de gain d’une pédale d’overdrive/distorsion généralisé au possible. Pour bien comprendre comment ces effets se différencient, nous allons utiliser quelques pédales bien connues comme exemples d’application. Si vous voulez avoir un aperçu des schémas des pédales en question, vous pouvez très facilement les trouver sur internet (tapez Tube Screamer schematic sur Google pour rigoler !) .
empilement des étages de gain
Le premier moyen d’augmenter la saturation apportée par une pédale, est d’empiler les étages de gain à la suite. Plus vous avez d’étages, plus la sortie sera amplifiée, saturée, et écrêtée. la TS808 de Ibanez possède un seul et unique étage de saturation. La Friedman BE-OD quant à elle en possède 4, on imagine bien le résultat.
On pourrait même rajouter un 5ème ou un 6ème étage histoire d’obtenir une Fuzztortion bien puissante, exemple la Bitoun Fuzz !
clipping
La structuration de la saturation passe ensuite par les diodes de clipping, la première manière de les monter est de les mettre dans la boucle de feedback de l’AOP (appelé soft clipping).
Les diodes ont en général une tension de seuil de 0.6V, ça dépend fortement de la référence et du type de matériau utilisé. Un signal de guitare tourne autour de 20mV, si l’AOP amplifie le signal par 100 pour la TS808 par exemple, le signal devrait être en sortie de 2V. Sauf que pour faire simple, les diodes vont trancher le signal à 0.6V. C’est ça l’écrêtage.
En tranchant le signal, on va aplatir tout ce qui était entre 0.6V et 2V. Quand en temporel un signal est plat sur ses crêtes, en fréquentiel il devient chargé en harmonique !
C’est là que la magie opère.
L’autre manière de monter les diodes est de les placer après le ou les étages d’amplification (hard clipping).
L’étage de gain et de clipping n’étant pas connectés dans ce cas, le signal est écrêté peu importe le fonctionnement de l’AOP. L’influence sur le son est très perceptible. C’est ce qui rajoute souvent une sensation de compression sur les distos.
Il est important de préciser que le nombre, la parité (symétrique et asymétrique) et le choix des diodes est également important (LED, silicium, germanium). Elles possèdent des tensions de seuils différentes qui vont influencer le système différemment et cela joue bien évidemment sur le son.
Attention à ne pas assimiler le soft clipping au son produit par une pédale d’overdrive, et le hard clipping au son d’une disto. Il n’y a pas de règle concernant le hard/soft clipping en ce qui concerne la dénomination du son. On peut trouver des pédales d’overdrive utilisant du hard clipping et inversement des distorsions avec du soft clipping.
l’amplificateur opérationnel et la bande de fréquences à amplifier
Enfin, la partie la plus intéressante ! Le gain est fixé par les caractéristiques électroniques de l’amplificateur, ou selon la datasheet pour les bilingues, et par le rapport des impédances Z1 et Z2 de la boucle de feedback. A ce niveau on peut déjà noter des différences entre les overdrive et les distorsions. Par exemple, la TS808 présente un gain maximal (sur une fréquence particulière) de 41dB, soit 112 fois l’amplitude du signal de base. Déjà pas mal me direz vous ? Ce n’est rien à côté des 61.5 dB (x1200) de la DS-1 de Boss et les 67dB de la Proco Rat (x2305 !!).
Mais ce n’est pas tout, comme mentionné au début, le gain n’est pas le même selon les fréquences de votre signal, et ce grâce aux capacités présentent sur le circuit.
Les couples résistances-capacités forment des filtres passe-haut et passe-bas. Le filtre R1-C1 est un filtre passe bas qui va légèrement adoucir les très hautes fréquences qui sont désagréables à l’oreille. Le filtre R2-C2 est un “passe haut” qui fixe la bande passante de l’étage d’amplification. Il booste les fréquences au dessus de sa fréquences de coupure et atténue progressivement tout ce qui est en dessous. Cela a comme avantage d’amplifier les fréquences intéressantes, et de nettoyer le signal des basses fréquences. C’est exactement ce qu’on attend d’un Tube Screamer, un bon coup de médium pour percer le mix!
Le couple R3-C3 forme un filtre passe haut, mais on fait en sorte que sa fréquence de coupure soit assez basse pour ne pas altérer le signal, et permet simplement d’enlever une composante continue dans le montage amplificateur.
En prenant des valeurs de composants arbitraires, le diagramme de bode (analyse de l’amplitude selon les fréquences ) du circuit nous donne ceci :
Un beau boost sur les médiums autour de 1kHz, et les hautes et basses fréquences progressivement atténuées. On peut cependant voir qu’en fixant arbitrairement les valeurs des composants, l’amplification n’est pas hyper sélective. La bande passante à -3dB est [300Hz ; 3kHz], ce qui reste tout de même acceptable pour la conception d’une overdrive.
En modifiant le montage afin d’avoir le pic de gain dans les médiums-hautes fréquences, et d’avoir un peu plus de présence dans les basses, on aurait une pédale de distorsion !
structure des fuzz
Les fuzz ont un montage un peu différent de celui des overdrives et distorsions, elles ont été inventées plus tôt, et utilisaient des transistors pour leur étage de gain. Les premiers AOP sont arrivés plus tard. Ce sont donc des structures plus simples qui ne jouent pas avec les mêmes impédances et qui ont leurs inconvénients notamment de bruit. Par contre niveau son et dynamique c’est incomparable !
Nous allons étudier les schémas des étages de gain de la Fuzz Face, et de la Big Muff PI pour comprendre leur fonctionnement :
Dans ce premier schéma on a deux transistors placés en émetteur commun (quand le gain est à burne, c’est là que ça sonne). Il s’agit d’un montage classique pour l’amplification de transistors bipolaires. Le gain dans un transistor est donné par le rapport des résistances sur son collecteur et son émetteur. Ici c’est le potentiomètre qui gère le rapport des résistances et modifie le gain du montage. Et donc comme vous pouvez le voir, lorsque le potard de fuzz R6 est à fond, le gain du transistor est infini ! Mais cela est bien évidemment physiquement impossible, le gain est limité par les caractéristiques techniques du transistor, qui est poussé dans ses retranchements.
Le schéma bloc de la Big Muff PI utilise des principes déjà vus dans la partie sur les OD/Disto. On retrouve les diodes de clipping dans la boucle de feedback, et la mise en cascade des étages de gain à la suite. Ici les gains des transistors sont limités, le son Fuzz est plutôt à attribuer à la mise en cascade des étages. A titre de comparaison, la Superfuzz utilise en tout 5 transistors pour obtenir sa saturation !
approche temporelle et fréquentielle
Lorsque le signal passe par la pédale il est, comme expliqué plus tôt, soumis à un tas de modifications (et encore nous ne parlons ici que des majeures). Afin de bien se rendre compte de l’influence sur le son de ces modifications, rien ne vaut une analyse spectrale et temporelle du signal.
Nous avons donc testé 4 pédales, une boost/overdrive, la Freq Up de Anasounds (c’est chez nous !) qui est composé d’un étage de gain Tube Screamer suivie d’un booster, 2 disto, les Boss DS-1 et MT-2, et une fuzz, la Feed Me de chez nous également, qui inspirée d’une Fuzz Face.
Chaque pédale est traversée par un signal sinusoïdal pur de fréquence 1kHz, et nous avons ensuite récupéré sur un logiciel de traitement du son grâce à une carte son.
étude temporelle
En premier le signal sinusoïdal pur, et ensuite le même signal passé par les différentes pédales, dont le potard de gain est à 100%. Dans l’ordre : la DS-1, la Freq up, la MT-2 et la Feed Me.
En appliquant un signal sinusoïdal pur à leur entrée (qui correspond à une seule fréquence), on observe que la forme du signal est modifiée. Plus le gain est important, plus le signal est anguleux, dans le cas des pédales de distorsions le signal en sortie est plus carré que celui de la Feed Me ! La frontière est fine ! Dans le cas du boost/overdrive, le signal est un peu écrasé, mais dans des proportions bien moins importantes. Le but ces effets étant d’amplifier, de saturer, et d’écrêter le signal, on comprend bien leur impact.
étude fréquentielle
Sur le diagramme de transformée de Fourier, les raies représentent les fréquences (qui sont je les rappelle des sinusoïdes pures) présentes dans le signal (abscisse) selon leur amplitude (ordonnée).
Transformée de fourier d’un sinusoïde pure
Sans surprise, on retrouve bien la sinusoïde de fréquence 1kHz.
Pour illustrer le comportement du signal face aux pédales d’effet, observons le spectre d’un signal carré de 1kHz, où l’analogie à un signal sinusoïdal très écrêté est pertinente.
Le signal carré est en fait composé d’une sinusoïde fondamentale de fréquence 1kHz, et d’harmoniques qui s’étendent à l’infini (non visible sur ce graphe 🙂 ), c’est la superposition de toutes ces harmoniques qui forme un carré.
Transformée de Fourier de la Freq Up
Transformée de Fourier de la DS-1
Transformée de Fourier de la MT-2
Transformée de Fourier de la Feed Me
Sur les graphes des pédales, on peut observer de nouvelles raies qui s’apparentent grandement à celles du signal carré. Il s’agit d’harmoniques de la fondamentale (2*1kHz, 3*1kHz… N*1kHz).
Les “nappes” présentent sur les graphes de la DS-1 et de la Feed Me correspondent à des fréquences parasites qui sont également amplifiées. Ce sont ces fréquences qui font le bruit dans le signal quand on pousse le gain à fond.
Ces harmoniques de hautes fréquences qui sont amplifiées par la pédale et qui créent l’écrêtage étaient déjà présentes dans le signal de base puisqu’il s’agit d’octaves de la même note, mais leur rapports a été modifié lors de l’amplification.
Il est plus difficile de tirer des conclusions de ce type de graphe car il ne s’agit que d’un sinus et que le signal produit par une guitare est bien plus complexe. Mais on se rend tout de même bien compte de l’influence des harmoniques dans la structure du son.
pour conclure !
Après cette longue et à la fois succincte analyse (et oui les gars faudrait partir en école d’ingénieur pour tout analyser), nous vous donnons enfin des outils pour analyser votre son et comprendre quel type d’effet vous est destiné entre overdrive, distorsion et fuzz.
Encore une fois, il y a plein d’autres méthodes mais cette approche électronique permet de comprendre les choix technologiques qui font les différences de ces effets. Elle est catégorique mais demande un bon niveau de connaissances pour maîtriser les schémas.
Les principes techniques restent les même depuis les premières innovations, mais il existe des variantes plus modernes intéressantes, ce sera peut être le sujet d’un prochain article !
L’analyse temporelle semble la plus parlante car dans le cas d’un sinus on voit tout de suite la transformation. Mais n’oublions pas que nos filtres et amplificateurs n’ont pas le même comportement selon les fréquences injectées et que la guitare génère des signaux bien plus complexe.
L’avantage de l’approche fréquentielle est qu’il est assez facile de reproduire ces tests à la maison à l’aide d’une carte son. Cela permet d’obtenir une bonne connaissance du son, et de tester l’influence de vos propres pédales !
J’espère que ce premier article vous aura plus et éclairé sur les minces frontières qui permettent de passer du monde de l’overdrive, à la distorsion, à la fuzz.
Si il y a des points que vous n’avez pas compris, laissez un commentaire et nous nous ferions un plaisir d’y répondre. de même si vous avez des suggestions, des compléments d’information ou des questions auxquelles nous pourrions répondre, allez-y !
9 replies to “OD/Disto/Fuzz : 3 pédales d’effets pas si différentes”
JP
Super clair. Je n’avais jamais vu le passage en fréquentiel pour les sons saturés, je ne pensais pas que cela ajoutait autant d’harmonique. On comprend mieux l’aspect massif des sons saturés après ça. par contre, pas très fan du tout majuscule !
alexandre ernandez
Merci pour ton retour ! On va voir si on peut changer la police facilement sur la partie blog 🙂
Fend Cyrille
Super article, merci !
Par contre le lien « découvrir quelques fuzz ici. » ne fonctionne pas et je cherche toujours le potard de gain R5 de la Fuzz face sur le schéma !
J’aurais apprécié un petit rappel de ce que sont les émetteurs et récepteurs des transistor puisque ces notions sont utilisées dans les explications.
Pour moi, à mon niveau noob qui ne fait que reproduire des schémas, cet article est une vraie bouffée d’oxygène ! Et ça m’a rappelé les filtre passe haut / passe bas que j’avais vu puis oublié il y a longtemps.
Vivement la suite !
alexandre ernandez
Merci beaucoup Cyrille pour tes encouragements 🙂
On va continuer à faire plein d’articles !
Pour les transistors en fait tu as la base, le collecteur et l’émetteur dans les bipolaires. Ce sont les noms qu’on a attribué aux 3 pattes de la bestiole.
Sur la base tu viens injecter ton signal puis sur les 2 autres selon le montage tu viens récupérer ton signal.
Faudrait qu’on fasse un vrai article dessus pour expliquer. Je me souviens que c’était quand même quelques séances de cours en prépa pour faire le tour ^^
Cyrille
Alors j’ai hâte de voir un article sur les transistors ! ^^
Mais en attendant j’avoue que je trépigne de voir le fameux potard de gain R5 que j’ai pas trouvé sur le schéma !
Sinon as tu un logiciel à me conseiller pour faire des schémas théorique et mesurer virtuellement le résultat.
alexandre ernandez
En effet j’ai modifié il s’agit de R6 🙂
Pour les transistors va y avoir beaucoup de boulot, un sujet sur lequel se concentrer ?
Anthony
Merci Alexandre,
ton article est excellent.
alexandre ernandez
Merci beaucoup 😀 On va en faire d’autres du style !
Jean-Paul
Excellent article, parfaitement documenté et illustré, de la belle vulgarisation. Rien à ajouter, mes prédécesseurs ont tout dit.